vendredi 31 décembre 2010
mardi 28 décembre 2010
Concierto por la Niñez
Deux voix, deux guitares, un cajon, c'était bien assez pour le rendre fier.
Chaque soir, je l'amenais á l'appartement pour pratiquer. Avec cajon, sans cajon (j'ai déjá dis qu'on ne peut pas compter sur les péruviens. Imaginez sur les musiciens péruviens...), on était bien décidés á présenter quelque chose de fort, pour que les gens applaudissent jusqu'á ce que saignent leurs doigts.
Et vint le grand jour, oú fut soigneusement rangée la guitare dans son étui, oú la chemise bleue fut repassée minutieusement et oú le petit coeur orphelin se mit á battre plus intensément que d'habitude.
Á quelques heures á peine de la présentation, le pauvre prend ma main et la pose sur son coeur en me disant: ''Est-ce que c'est normal que ca batte aussi fort ?''...J'ai dit oui.
Á 13 ans, sur une scéne pour la premiére fois, en duo avec une blanche, dans un bar pour vieux, il y a des raisons de s'en faire.
Il est tout de méme entré dans le bar comme un Vicking, pret á tout. Ni un chat, ni une mouche, ni un saoul dans la place. Personne. Nous avons du attendre 2-3 heures aprés le début du concert pour qu'arrivent le gars du son. Le temps n'est qu'une mesure floue au Pérou. Moi, je m'inquiétais. Pas de jouet, ce n'est pas la fin du monde. Pas de public, c'est l'apocalypse.
Á 11 heures, les premiers invités sont entrés. Tous ont pris place et peu á peu, le bar de 200 personnes était plein á craquer. Un mardi soir, 4 jours avant Noel. C'est tout un exploit.
Pio, Martin, Ricardo et Fabiola ont débuté le spectacle avec des chansons engagées.
Pendant ce temps, j'étais cachée derriére le bar, addicte á ma bouteille d'eau, le coeur sortant de ma poitrine. Fortement.
Pourquoi, vous demandrez-vous?
Parce qu'avant d'inviter Jordin et Ricardo sur scéne, on m'avait tordu un bras pour que j'interpréte quelques unes de mes chansons. Entre deux groupes rock, je me sentais un peu toute nue avec ma voix douce (dans le sens de pas forte) et ma guitare sans micro.
Bref.
On m'a présenté comme étant l'invitée de la soirée (ce que j'explique par le nom étranger et la peau encore plus blanche qu'une heure auparavant).
Pour détendre mon atmosphére intérieur, je devais dire une connerie. Évidemment. J'ai commencé ma présentation en disant: ''No hay que hacerme tanto caso. Aqui nunca voy a ser una estrella simplemente porque ni uno de ustedes puede pronunciar mi nombre.''
''Pas la peine de me faire une trop grande présentation. Ici je ne serai jamais une Star simplement parce que ni l'un d'entre vous n'arrive á prononcer mon nom''.
Ils ont ris (ouff) et j'ai commencé. 5 tounes. Et je dois avouer que meme seule sur la scene, j'en aurais chanté plus. Alegria.
Puis je n'eu qu'á lancer un clin d'oeil en direction de Jordin pour que, confiant en apparence, il s'avance vers la scéne et que, sous les regards curieux des invités, il empoigne fermement la guitare, de peur qu'elle ne glisse sous la sueure de ses paumes.
Il s'est assis sur le tabouret, devant le micro, á mes cotés. Il tremblait de tous ses membres. On aurait pu le voir meme du deuxieme étage. C'est á ce moment que tous se sont mis á crier, á applaudir avec tant d'enthousiasme que ca me paraissait presque faux. Mais ce ne l'était pas, parce que c'est rare qu'un enfant venu de l'Aldea (l'orphelinat) réalise ses réves.
1,2,3,4, la musique a commencée. Lui, puis moi, puis Ricardo et son Cajon. Si lui était absolument concentré et qu'il ne s'est pas trompé ni une seule fois, moi j'ai presque gachée le numéro tellement je me trompais d'accords. Á l'observer jouer, du coin de l'oeil, toute ma concentration sur mon instrument avait disparue. Je n'ai jamais joué aussi mal. Mais tant qu'á moi, c'est un mal pour un bien. Lui a eu l'air bien meilleur.
Suite aux deux chansons, tous ont continué á crier victoire et Viva Peru. Ils étaient fiers de leur patrie, fiers comme si Jordin était le fils de tous. Toutefois, il n'était le fils que d'une seule personne dans la salle. En retrait, tout au fond, était assise sa mére. Sa mére avec qui il ne vit plus depuis des années. Sa mére qui devant justice, n'a pas le droit d'étre avec son fils hors des murs de l'Aldea. Ce soir-lá, sa mére était venue le voir.
Et quel moment de grande joie lorsqu'il est descendu de la scéne, le sourire fendu jusqu'aux oreilles. Lorsqu'il est tout de suite allé rejoindre sa maman qui m'a accroché le chandail et qui m'a chuchotée á l'oreille: ''Gracias Mariana, nunca he sido tan orgullosa de mi hijo''. ''Merci Marianne, je n'ai jamais été aussi fiére de mon fils''.
dimanche 26 décembre 2010
Merry Christmas to you
5 radios;
Un don de 800$, ca te met de la pression sur le dos.
J'ai distribué les cadeaux. Au compte de trois, tous allaient déballer sauvagement le sien.
Les sourires se dessinaient sur leur visage lorsque j'appelais leur nom.
''Mariana, digamos que una persona quiere cambiar su regalo...?''
''Marianne, admettons qu'une personne veut changer son cadeau.''
''Mariana, yo hubiera pedido otra cosa''
''Marianne, j'aurais du demander autre chose''
''Mariana, esta grandooote. Mariana, esta pequenito''
C'est dans ces moments lá que tu hésites entre prendre la porte, fermer ta grande-gueule ou encaisser, simplement. Je n'ai pas pris la porte, j'ai fermé ma grande-gueule (c'est ma résolution pour l'année 2011) et j'ai encaissé, tout simplement.
J'ai ensuite distribué les photos que j'avais prises d'eux, décorés d'une tuque de Noel. Un beau souvenir qu'ils garderont précieusement en dessous de leur lit ou dans le fond de leur garde-robe, á moitié déchiré ou plié en deux. Ca fait partie de leur charme, je le jure.
En sortant de l'Aldea, mon coeur refroidi s'est réchauffé á la vue d'Alan, de Juan Carlos et d'Angel qui jouaient avec leurs autos téléguidés. La pression a baissée á la vue de Luz-Mery qui, toute fiére, me montrait que sa poupée pouvait boire de l'eau sans méme se mouiller, lorsque Jaider jouait avec son gros ballon rouge. J'ai pu souffler lorsque la directrice me dit de la maniére la plus sincére qui soit: Merci pour tout ce que tu fais pour les enfants.
Et bien que je me sois tue, dans ma tete je me suis dis: ce n'est pas moi qu'il faut remercier.
C'est SENS 2010, Alice, Yves, Guillaume, Maman, Papa, Anne, Paul, Antoine, Cynthia.
C'est eux qu'il faut remercier.
samedi 18 décembre 2010
17 décembre 2010
samedi 11 décembre 2010
Changer de Cap
J'ai répondu qu'á force de changer mon fusil d'épaule, je vais bien finir par le poser sur la bonne, et ce en connaissance de cause.
Je continue dans la meme voie, encore et toujours. Si bien que pour la troisieme fois, j'ai changé mon billet d'avion.
La premiere fois pour revenir á Huancayo, jusqu'au 20 décembre.
La deuxieme pour repartir de Huancayo le 27 décembre.
La troisiéme pour reporter mon vol au 17 février.
Et je me sens beaucoup mieux depuis que le temps n'est plus compté...
En voyant les jours disparaitrent sur le calendrier; en voyant le temps qui reste se faire de plus en plus court, la vie m'a donné une bonne claque dans la face, un bon coup de pied dans les fesses pour me faire réaliser á quel point je suis ici á ma place.
mardi 30 novembre 2010
Les manigences de la Sainte
Hier après-midi en arrivant à l'Aldea, j'entends quelqu'un crier mon nom. ''Marianaaaaa''. C'était Jordin. Il est venu me faire un gros calin et m'a dit:''Viens, on va jouer de la guitare''.
Je n'y comprenais rien, jusqu'à ce que je vois la Tia Maria derrière. Je l'ai approché en lui demandant ce qu'elle avait manigencé.
Elle m'a expliqué que lorsque j'étais partie pour la jungle (je ne suis pas allée à l'Aldea durant 4 jours), elle avait parlé aux garçons de la casa A, disant que j'étais partie pour toujours et que je n'avais même pas daigné leur dire aurevoir tellement ils s'étaient mal comportés. Laissez-moi vous dire que ça a eu son effet. Je suppose que ça leur a fait réaliser qu'ils n'avaient pas de temps à perdre à faire comme si je n'existais pas.
Et bien maintenant, Jordin veut recommencer la guitare, faire un spectacle, acheter des nouvelles cordes.
''Pas de problème. Tu ne m'ignoreras plus jamais ?''
''Plus jamais''.
Une bonne affaire de faite.
Parlant de bonnes affaires, j'organise avec un ami un spectacle bénéfice pour Noel. Le prix de l'entrée sera un jouet ou du linge qui seront, le jour de Noel, remis aux enfants des mains du Père-Noel en personne.
Bien que vous ne pourrez malheureusement pas assister à l'évènement, vous pouvez toujours faire votre BA de l'année et envoyer vous aussi un petit quelque chose aux enfants.
Des vêtements, des jouets, des crayons, whatever.
C'est bien simple: vous n'avez qu'à envoyer un colis à ma maison, identifié avec votre nom, le sexe et l'âge de l'enfant à qui vous voulez l'offrir et ce que le colis contient.
Voici l'adresse de destination:
808 Ricardo Menendez,
El Tambo, Huancayo
Perú
Je me chargerai de remettre le tout au Père-Noel, qui lui distribuera chaque cadeau à gauche et à droite.
Bien sur, je propose ça de même.
C'est à votre guise.
lundi 29 novembre 2010
Les nouvelles en non-bref
Des nouvelles de Jordin d'abord. Il ne me parle officiellement plus. C'est comme ça, les commentaires désagréables de ses compatriotes ont eu raison de son ''attachement'' à moi. Lorsque j'ose lui parler, il ne me regarde pas dans les yeux. Je lui ai fait signer l'acte de donnation qui stipule que la guitare que je lui ai offerte lui appartient jusqu'à la fin de ses jours. J'ai eu droit à un merci, sans plus. Je me rassure lorsque sa Tia me raporte le lendemain matin qu'elle l'a entendu gratter les cordes toute la nuit. C'est l'important,j'imagine.
Ensuite. La semaine dernière, Rosemery 7 ans n'est pas rentrée de l'école. Tous ont commencé à s'inquiéter lorsqu'après avoir cherché partout dans les alentours, discuté avec les professeurs et interrogé les élèves, ils ont finalement dû tirer la conclusion que la petite s'était enfuie ou qu'elle avait été kidnappée. Compte tenu le fait que toutes les Tias et les employés de l'Aldea ont du se mettre à sa recherche, ils ont sauté sur ma ''générosité'' pour me demander de me transformer en Tia, le temps qu'ils retrouvent Rosemery. Je ne pouvais pas refuser, sachant qu'une maison de 8 enfants sans autorité, c'est pire qu'un rassemblement des Hell's et de la Mafia un soir de pleine lune. Moi qui pensait qu'elle s'était égarée et qu'ils allaient la retrouver d'ici la fin de la journée, j'ai du faire le deuil de mon innocence assez rapidement et accepter le fait qu'un enfant en fuite qui a poussé tout croche disparaît nécessairement pour ne pas qu'on le retrouve.
Ils ont retrouvé Rosemery 2 nuits, 3 jours plus tard.
Lorsque j'arrive avec mes affaires dans la maison, les petits sont inquiets et ont peur de se ramasser seuls, ne sachant pas si j'allais rester ou non.
Fernando, 5 ans, me demande: ''Est-ce que tu vas rester avec nous?''
''Ben oui, tu penses que je vais vous laisser tous seuls? Come on Nando!''
''Tu vas rester toute la vie?''
''Non, jusqu'à ce que la Tia revienne!''
''Oui, mais si la Tia se fait écraser par un char, tu vas rester toute la vie?''
Okay...
Durant ces trois jours, c'est à peine si je n'ai pas pris 10 ans en âge à me lever à 5h00 du matin pour préparer le déjeuner, les sortir du lit, aider dans les devoirs,les reconduire à l'école, me battre pour qu'ils restent à l'école, nettoyer toutes les surfaces de la maison au cas où les autorités viendraient faire une inspection, les mettre en pénitence après une bataille, soigner le nez qui saigne après un coup de pied dans la face, préparer le diner, nettoyer encore, aller les chercher à l'école, laver le linge, réviser les devoir, interrompre une autre bataille, couper les cheveux, préparer le souper, laver, essuyer, ranger, leur brosser les dents, les laver, les divertir, les empêcher de se battre, les coucher, les consoler, soigner la grippe. Encore et encore faire tout en mon pouvoir pour éviter qu'ils ne se tuent d'un coup de pied, en se tirant les cheveux, d'un coup de poing, voire même à l'aide de quelconque objet pointu.
Après 3 jours et deux nuits, j'avais l'impression de parler à des murs à force de répéter les mêmes maudites affaires tout le temps: fais ton lit, lâche ton ami, ramasse ton linge, fais des devoir, lâche ton frère, aide moi à ranger la cuisine, met la table, lâche ta soeur, lâche ton ami, lâche ton frère, LÂCHE-MOI ! À les voir se battre sans relâche sans écouter un mot de ce que je racontais, j'ai pris mes clics et mes clacs et je suis sortie. Ils m'ont suivi, bien entendu, ne comprenant pas pourquoi je partais d'un pas si ferme.
''Si vous n'écoutez rien de ce que je dis, si vous faites comme si je n'existais pas, et bien c'est que vous n'avez visiblement pas besoin de moi. Si je suis pour parler aux murs, je vais aller jaser avec ceux de ma chambre qui sont d'ailleurs beaucoup plus attentifs.''.Et je suis partie. Ça les a laissé de glace et depuis, ils m'écoutent.
La petite maintenant. Après l'école, sa maman était venue la chercher pour qu'elle reste avec elle, dans sa maison d'un des quartiers les plus dangeureux de Huancayo. Notez que devant la justice, sa mère n'a pas le droit de voir sa fille en dehors des murs de l'Aldea. La ramener à la maison est donc considéré comme un kidnaping. Ce n'est pas le pire. Les Tias de l'Aldea ont fouillé tous les recoins de la maison de la mère de Rosemery. C'est le premier endroit où elles ont cherché. Malencontreusement,elles n'y ont rien trouvé. C'est que la mère avait cachée Rosemery on ne sait trop où, pleurant sa perte devant les Tias pour qu'elles soient bien convaincues qu'elle n'avait rien à voir avec sa disparition. En toute conscience que les Tias allaient chercher jours et nuits en se rongeant les ongles d'inquiétude, elle a quand même décidé de profiter de la présence de sa fille 3 jours durant, puis l'a amené au commissariat. La petite est maintenant entre de bonnes mains. C'est une histoire dégeulasse.
Après son retour, Fernando m'a fait une confession: ''Je vais m'arranger pour qu'un de nous s'échappe, comme ça les Tias vont s'en aller et tu vas rester avec nous toute la vie''. C'est à se moment là que j'ai compris pourquoi il insistait tant sur les possibilités que sa Tia se fasse écraser par une voiture.
Maintenant que tout est rentré dans l'ordre à l'ALDEA, c'est au sein d'Expand Péru, l'organisme avec lequel j'ai abouti ici, que tout va mal.
Les projets tombent à l'eau à cause d'une maudite peine d'amour.
Plus de motivation, plus d'argent. ''Je ne suis plus rien sans elle''. On l'a entendu combien de fois celle là...
Ce matin, Bernabé (le directeur et celui avec qui je vis) a besoin de parler.
Il me confie considérer très sérieusement le suicide.
Je ne le crois pas et je réagis comme une Marianne Beaupré LaPerrière:''Tu dis n'importe quoi, c'est quoi cette histoire là? Vient on va aller se changer les idées. Une glace ? Une balade en traineau ? Tu veux que je m'occupe d'Expand Peru pour que tu puisses prendre du temps pour toi ? Je vais te trouver une psychologue, tu veux? Je reste jusqu'en Mars ? Okay...Je reste jusqu'en mars !''
Et je vous jure qu'avec tout ce qui a à faire ici, les enfants à surveiller, les directeurs à sauver, je cours à gauche à droite et je me demande VRAIMENT qu'est-ce qui me passe par la tête pour prendre le temps d'écrire un message si long.
Dehors, c'est l'état d'urgence.