lundi 18 octobre 2010

Potosi

Quand est venu le temps de choisir une agence pour visiter une des mines coopératives du Cerro Rico, Potosi, on aurait pu opter pour un tour guidé à 60 bolivianos.
Après avoir fait le tour des agences, nous avons décidé d'encourager celle 15% du montant payé (15 bolivianos sur 100) allait être remis aux femmes des mineurs (les femmes gèrent toujours mieux l'argent, c'est connu) sous forme de nourriture et de denrées.

Pour entrer dans la mine, un uniforme est de mise : casque protecteur, lampe frontale de 60 kilos, pantalons bourgognes style MC Hammer, veste grise et bottes de tuyau. Jusque , c'est encore drôle et on a beaucoup de plaisir.
Le plaisir se poursuit alors que le guide nous emmène dans une boutique l'on peut acheter des cadeaux pour les travailleurs. Dynamite, boule à mites...gants, casques, cigarettes, rafraichissements, pioches, etc...
Fox, notre guide, nous enseigne les rudiments de base de l'explosif et nous sommes tous accrochés à ses lèvres lorsqu'il nous montre les composantes du bâton : genre de pâte qui ressemble au wasabi. Il sort ensuite une bouteille d'alcool 96%, vous savez celle avec lequel on se désinfecte après un nouveau piercing dans le croquant, cet alcool avec lequel n'importe quelle tache disparait en moins de deux. Et bien les mineurs, eux, ils le boivent cet alcool. Il paraît que quiconque désire entrer dans la mine doit offrir, lui aussi, un peu d'alcool à la Pachamama (Terre Mère) et boire le reste, dans un bouchon et non un shooter. C'est ce que nous avons fait, nez bouché et larmes aux yeux. C'est encore un peu drôle.

On nous emmène ensuite dans une usine de raffinement du minerai (zinc, mika et argent). Ici, on se croit dans Modern Times de Charlie Chaplin. Les machines sont menaçantes, sales et bruyantes. On a vraiment l'impression d'être en pleine révolution industrielle, marchants sur les planchers de bois craquants parmi les grandes roues qui tournent à journée longue. En voyant trois hommes et une femme travailler tout crasseux dans leurs habits du 19e siècle, le plaisir commence à s'estomper. Bien que nous n'ayons pas compris tous les procédés chimiques pour raffiner la pierre et récolter le minéral, c'est le principe de flottaison qui rend possible l'extraction de l'argent. Ainsi, c'est dans un liquide mousseux que l'on peut retirer de la poudre d'argent. En voyant le bassin plein de mousse, on ne serait jamais douté que de sortirait la plata (argent).

La partie de plaisir et bel et bien terminée alors que nous pénetrons dans un tunnel noir, étroit et poussiéreux, à l'entrée de la mine coopérative de La Candeleria. On nous avait bien prévenu de protéger nos voies respiratoires avec un foulard. Or, celui-ci se voit très rapidement rempli de poussière et ne nous sert plus à rien. On suffoque littéralement et nos gorges se resserrent. Toujours, nous avons envie de cracher. Pourtant, jamais l'idée de nous plaindre ne nous vient à l'esprit, et ce, surtout après avoir vu 4 hommes pousser à la sueur de leur front un charriot de métal rempli de plus d'une centaine de kilos de roches. Notre guide nous informe qu'à la fin d'une journée de travail, ces hommes auront poussé à travers les étroits passages de la mine 80 tonnes de ces pierres. Notre guide "pitche" Marianne à travers un de ces passages afin qu'elle "aide" les travailleurs à pousser un des ces énormes charriots dans une pente ascendante.
"Je pousse le charriot de métal entre deux mineurs qui me crient dans les oreilles : "Empuja con fuerza, mas fuerte, mas fuerte". Ils avaient l'air sérieux. Je ne me suis jamais sentie aussi inutile de toute ma vie".

On descent 50 mètres dans le sol en rampant afin d'atteindre le troisième niveau la température est de plus en plus pesante et des tuyaux d'oxygène sont nécessaires pour la survie des travailleurs.

Il est important de savoir que le terme coopérative n'est pas du tout approprié pour décrire le fonctionnement du travail dans les mines du Cerro Rico. La montagne, appartenant au gouvernement bolivien, est vendue à des gens qui créent leur propre "coopérative". Les mineurs achètent à cette "coopérative" un espace à exploiter dans la mine. Ils le paient 2000 bolivianos, ce qui équivaut à 300$, plus ou moins. C'est ici que le mot coopérative perd tout son sens. Les mineurs qui, par chance et/ou par hasard, ont acheté un espace riche en minerai, peuvent se permettre d'investir dans de meilleurs outils (marteau piqueur, explosifs, leviers mécaniques) et donc, améliorer leur rendement. À l'opposé, ceux qui sont tombés sur un "trou" pauvre en minerai, se voient contraints à conserver les techniques et les outils utilisés depuis la découverte de la mine en 1645. Bref, leur revenu dépend entièrement de ce qu'ils trouvent. Dans tous les cas, les mineurs doivent remettre 15% de leurs revenus à la "coopérative" qui au bout du compte ne les appuie en rien. Le terme de petits capitalistes serait beaucoup plus approprié. À entendre cette histoire, on a envie de vomir.

Parmi ces travailleurs qui n'ont pas eu de chance, il y a Martin, qui travaille dans son même petit trou depuis 20 ans, avec les techniques d'il y a 200 ans. Armé d'un marteau et d'une tige de métal, il pioche 8 heures par jour et gagne moins de 200 bolivianos par mois (30$). Le vendredi, il travaille 24 heure pour compenser le dimanche, journée de repos. On se croirait dans le Germinal de Zola. Aux questions du guide, il marmonne, blasé, et semble complètement épuisé, désabusé. Le seul moyen de lui décrocher un casi-sourire fut de lui offrir un sac de feuilles de coca, produit que les mineurs consomment à la tonne et seul aliment pouvant entrer dans la mine (déféquer étant totalement interdit pour l'odeur noséabonde qui se répand dans les galeries).

On remonte un tunnel, toujours à bout de souffle à cause des émanations de gaz et de la poussière qui prend plus de place que l'oxygène, pour aller rejoindre le trou de Basilio, un mineur de 41 ans qui en paraît 60. Il travaille dans la mine depuis 25 ans et n'a rien trouvé depuis 5 mois. Vous aurez deviné que, par conséquent, il n'a aucun revenu, sa maigreur en est la preuve. Ses deux enfants ont intégré la mine à l'âge de treize ans et travaillent à ce qu'un tunnel puisse déboucher du premier palier jusqu'au deuxième palier, où travaille leur père. Lui, parlant Quechua, est aussi très heureux des explosifs qu'on lui offre.
Sur le chemin du retour, on ne manque pas de donner un 2 litres de punch aux fruits aux mineurs qui poussent toujours leurs lourds charriots.

Alors que Marianne commence à suffoquer à cause de la poussière en trop grande quantité dans ses voies respiratoires, nous appercevons la lumière du jour, au bout du tunnel... et sentons nos poumons nous remercier d'enfin leur faire reprendre vie. On sort de la mine en silence, en pensant à ces 10 000 mineurs qui, chaque jour, travaillent dans ces horribles conditions.

Le terme traumatisme est faible.

Pour terminer le tout en "beauté", les guides s'amusent à nous concocter des bombes qu'ils font exploser quelques mètres plus loins, juste pour la démonstration...
Alors que les hommes s'énervent et s'impatientent devant l'explosion qui tarde, nous, on tire rapidement la conclusion que la violence, on n'aime pas ça.

Dans l'autobus, ni Audrey ni Marianne n'osent dire un mot.

3 commentaires:

  1. Vous avez touché le fond de la misère humaine à Potosi. Traumatisme n'est pas un terme trop fort. Écoeurement aussi, probablement. Ce n'est pas du tourisme de confort. Que faire pour soulager cette misère? Vous leur avez apporté votre générosité et votre compassion: l'humanité en nous vous remercie. René.

    RépondreSupprimer
  2. Ouah..Hallucinant votre recit.. Ca a vraiment du etre chaud de voir tout ca.. Sinon j'espere que vous vous etes remises et que votre sejour a Tarija se passe bien?? Nous on se dirige vers Sucre pour descendre ensuite sur Uyuni.. Merci pour le message sur le blog. J'y ai repondu mais apparement les gens ne voient pas nos reponses a leurs commentaires..Nul. Bonne continuation a vous 2. A bientot p-e..Etienne de Arequipa

    RépondreSupprimer
  3. Yéeee, un messages des Francaiss ! Si vous passez par Tarija, ècrivez-nous, on aura de quoi se divertir (c'est vraiment très beau)...C'est même un ''à ne pas manquer'', surtout pour des gens qui font le tour du monde !
    Bonne continuation !

    RépondreSupprimer