jeudi 28 octobre 2010

La fuite - Chapitre premier-

Brèves présentations.

Gualberto: Directeur du CIAP (Centre d'appui pédagogique), sensé nous accueillir, nous loger et nous nourrir pour le prochain mois, en échange de nos services de bénévoles.
Mathieu: Ayant travaillé un mois avec Gualberto, toujours en contact avec lui, il nous sert d'intermédiaire et de ''guide'' pour communiquer avec Gualberto lorsque celui-ci ne donne pas de signe de vie.
Guillaume: Fidèle complice, fidèle lecteur plogué à internet par intraveineuse. C'est lui qui nous a mis en contact avec Mathieu et qui depuis, nous sert d'intermédiaire lorsque c'est Mathieu qui ne donne pas de signe de vie.

Début de la fuite.

Il y a longtemps que l'on se rassure à l'idée de venir faire du bénévolat 1 mois à Tarija, à l'idée d'être accueillies par Gualberto, contact fidel depuis des mois qui nous avait titillé le budget avec ses promesses d'hébergement et de bons repas gratis durant des semaines !

La nuit est longue avant d'arriver à Tarija: autobus vieux de cent ans, odeur de diesel et froid de canard qui entre par les fenêtres qui s'ouvrent toute seules.
Mal de tête.
Envie de vomir.
On a jamais eu aussi hâte d'arriver.

En descendant du bus, au terminal, s'avance vers nous l'archétype de l'Argentin: bohème, barbe noire trop longue, regard pénétrant, accent suave. On rêve qu'il nous demande de l'accompagner à une soirée de Tango à la lueur des chandelles. Dans ce rêve éveillé descendrait alors d'un autobus son ''cousin'' qui, dans l'ordre des choses, serait aussi joli et tout oui pour faire partie de la dite soirée.
Audrey ferme la mâchoire grande ouverte de Marianne. Elle, essuie le couli de bave sur le menton d'Audrey. C'est du donnant-donnant. Nous, on se tient et on se tiendra toujours.
On reprend nos esprits, puis il nous propose de partager un taxi jusqu'à l'hôtel. On dort tout l'après-midi, avec l'espérance que ces quelques heures de sommeil rattrapées nous rendraient fraîches et dispos pour rencontrer Gualberto le lendemain. Au petit matin, on déjeune avec Leandro Martinez-Gonzalez (parce qu'il fallait que le nom fasse honneur à l'homme) puis on se rend au parc pour l'écouter jouer du Tango avec son accordéon old style - parce que oui, il existe un old style à l'accordéon-. On eut bien fait de jouer de la guitare et du charrango à ses côtés avant de le regarder partir, la mâchoire toujours pendante et la bave à la commissure des lèvres.

Gualberto ne nous avait pas donné de nouvelles depuis des mois. Remarque qu'on en avait pas besoin...On se rassure quelques semaines avant notre arrivée car Mathieu demeure constamment en contact avec lui, bien que l'on trouve quand même un peu étrange qu'il ne réponde pas aux courriels qu'on lui envoie depuis 3 semaines. Mathieu nous envoit finalement l'adresse du CIAP, où l'on doit rencontrer Gualberto, qui nous attend impatiemment. On pacte nos affaires dans le taxi disco-rouge. Le chauffeur jadis en couple avec une québécoise trippe sa vie et semble vouloir récidiver. Il ne gagne aucun point avec ses lunettes fumées de tombeur et sa disco-mobile. On arrive à destination. La grande porte de métal est fermée à clé. On cogne. Une jeune dame nous ouvre, sans toutefois nous laisser entrer. Ça part mal. Marianne se lance alors: ''On vient faire du bénévolat 1 mois pour le CIAP. Est-ce qu'on peut entrer pour voir Gualberto ? C'est lui qui nous accueille...''
Ah bon...Le CIAP est fermé. Ah ? Depuis maintenant 4 mois. Ah bon? Gualberto a déménagé à Villamontes... À 15 heures d'ici... Ah bon !
Viennent alors une série de sacres, de jurons et de mauvais mots que l'on vous épargne pour le besoin de la cause.
On rembarque dans le taxi, abassourdies, en essayant de mettre ensemble les morceaux du puzzle.
-Mathieu a parlé à Gualberto pas plus tard qu'hier.
-Et Mathieu, ET Guillayme nous ont dit mot pour mot (et je les cite) ''que Gualberto nous attendait avec impactience''.
-Gualberto a déménagé.
-Le CIAP est fermé. Depuis 4 mois.
On n'y comprend vraiment rien.
On revient bredouille à l'hôtel. On court à une cabine téléphonique pour rejoindre Guillaume, je le rappelle, plogué par intraveineuses. Il allait sans doute pouvoir nous mettre en contact avec Mahtieu, qui allait alors nous mettre en contact avec Gualberto, qui allait alors nous apprendre que l'on s'était juste trompées d'endroit et qu'il nous attendait devant l'hôtel. C'est beau, rêver !
On tombe sur la boîte vocal de Guillaume. L'homme important est en réunion. Fuck !
On veut à tout prix parler à quelqu'un, ne serait-ce que pour sacrer ailleurs que dans une ville où personne ne saisit le sens de nos jurons. On a finalement Guillaume au bout du fil. Comme de coutume, il se charge de tout. Quelques minutes après, on a Mathieu au bout du fil qui, bouche-bée, ne comprend pas plus la situation. On confirme que l'on s'est rendues au bon CIAP avec une photo et il expose alors trois possibilités.
1- La jeune dame du CIAP nous a transmis de mauvaises informations.
2.La personne avec qui Mathieu communique depuis des mois n'est pas Gualberto, mais bien un imposteur sale qui lui veut du mal.
3-Gualberto recoit, mais ignore nos courriels et ment à Mathieu en pleine face depuis des mois.

Bien déterminées à résoudre le mystère et à ranger le dossier ''Gualberto'' dans les affaires classées, on part à la recherche d'un orphelinat qui, selon Mathieu, était jadis sous la charge de Gualberto. Notre seul indice: dans le centre de la ville, dans le coin de Suipacha. Bon. On marche, on chiale, on marche. Parfois, ça nous fait rire, mais on chiale plus qu'on rit. On marche encore, puis on voit sur un bâtiment les mots ''Nueva Esperanza''. Déclic: l'album photo facebook de Mathieu porte le même nom. Pour une fois, Facebook est utile!
Audrey, sans l'ombre d'une hésitation et probablement guidée par l'écoeurement, se lance sur la sonnette. Il aurait fallu la voir se lancer, comme si son enfant allait se faire écraser par un gros camion. Une dame entrouvre la porte, comme méfiante. Audrey oublie toute forme de politesse et skipe le bonjour pour lui demander promptement:
''Connaissez-vous Gualberto Romero Ortiz ?''
Bien sur qu'elle le connaissait. C'est l'éduquateur qui est parti travailler à Villamontes il y a de cela 4 mois.
Première et deuxième hypothèse rejetées. Gualberto est un menteur, adjugé.
Complètement attérées, on explique à la bonne femme la situation et lui implore avec nos yeux de belettes au fond du gouffre et nos épaules pendantes de bien vouloir nous laisser faire du bénévolat. Elle ne prend que quelques secondes pour nous regarder, l'air de se dire ''Pauvre p'tites filles!'' et nous fait entrer en nous disant simplement: ''Pourquoi pas!''.

Bien sur, ça ne pouvait pas être aussi facile.

On se retrouve alors assises sur un banc de cuir devant Sandra, la directrice du hogar, qui écoute attentivement notre récit et qui tente de rejoindre ses supérieurs pour défendre notre cause. Ça n'arrive pas souvent de se faire prier pour travailler gratis. Au téléphone, elle relate les faits avec délicatesse, précision et empathie, prenant soin de leur transmettre notre détresse. Elle tente même de nous trouver un endroit où vivre, vu notre budget trop limité pour que l'on puisse ''tougher'' jusqu'au mois de mars sans être accueillies au moins durant un mois, comme c'était prévu depuis presque 1 an. C'est surtout ça, le gros du problème. Après quelques mots échangés au téléphone, elle nous explique les procédures. Sans doute l'organisme pourrait trouver une solution (nous, on en doute encore), mais d'abord, on devait faire un CV en espagnol et une demande de bénévolat et d'alojamiento (hébergement) que l'on irait porter à la secrétaire de la grande directrice... dans la prochaine heure. Sitôt dit, Sitôt fait, rien n'est plus à notre épreuve. Sandra appelle la secrétaire de la dite madame pour nous annoncer comme suit: ''Estoy con dos chicas de Canada. Van a ir a verle. Las dos son delgaditas y rubias''-''Je suis ici avec deux jeunes filles canadiennes. Elles vont aller te voir. Les deux sont minces et blondes.'' Minces et blondes? On espère qu'elle va nous reconnaître avec cette si fidèle description. Après cette éprouvante journée, on arrive enfin au bureau, curriculum viteas faits en 10 minutes en mains. On doit attendre 24 heures pour recevoir une réponse, à savoir si oui ou non, ils nous laisseront travailler bénévolement pour eux. En toute honnêteté, ça risque plutôt d'en prendre 48, avec la chance de notre côté.

Nous voilà donc entre deux eaux, à prendre un petit déjeuner 3 heures pour passer le temps, à se fondre parmi les pigeons du parc, à magasiner des sous-vêtements pour oublier le reste et en buvant des bouteilles de vin blanc pour oublier ce que nos nouveaux sous-vêtements n'ont pas réussis à effacer de notre mémoire.

À suivre...

4 commentaires:

  1. Pouahh..

    Eh ben ca a pas l'air d'etre la grosse teuf de votre cote..J'espere que tout va s'arranger pour vous et que vos plans machiaveliques de benevolat vont enfin voir le jour...Quelle idee de vouloir aider les autres aussi..Pfff
    Buena Suerte. Hasta luego

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  2. Chères vous deux,

    J'avais dû délaisser votre blog pour quelques jours et voilà que j'arrive en pleine action. C'est pas possible comme c'est bien écrit. Ma foi, vous vous êtes trompées de vocation : ce n'est pas voyager que vous devez faire, mais écrire!

    En tout cas, j'ai vraiment hâte de voir la suite, pour savoir si vous avez commencé votre bénévolat. Et entre-temps, moi, je crois que j'ai bien d'autres de vos entrées à lire pour me rattraper!

    Continuez votre voyage, et surtout continuez à nous tenir en haleine : on n'en peut plus...

    Guy

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  3. Êtes-vous sûres que le clown n'était pas déguisé et maquillé ainsi pour l'Halloween?

    J'aime vos "yeux de belette", j'attends une démonstration à votre retour!!!!!!!!

    Antoine
    xx xx

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  4. Tiens, tiens, vous êtes blondes maintenant!? Voilà qui pourrait expliquer bien des choses! ;-)
    Est-ce qu'on peut voir une photo?

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