mardi 21 septembre 2010

Pyjamada

Après avoir passé des journées entières à essayer de faire des activités, sans succès, avec les jeunes de l'Aldea;

Après être reparties en pleurant après une matinée trop éprouvante en leur compagnie;

Après s'être brisées les cordes vocales pour essayer de les faire taires, nous avons eu la bonne idée d'organiser une Pyjamada. Un party pyjama... Quelle ironie !

Au départ, on s'était promis de ne pas tarder à l'Aldea: nous avions planifié présenter un film sans plus, ce qui est déjà assez excitant pour eux qui ne sortent pas de leur maison après 6hrs.
Cependant, lorsque fut venu le temps de présenter le projet à la directrice, celle-ci me supplie de rester dormir avec eux. Après tout, ça les sortirait de l'ordinaire et c'est ''dangeureux'' de prendre un taxi passé une certaine heure. Pour Benny, c'est un non définitif. Pour Audrey aussi.

Moi j'ai le ''changeage d'idée'' facile et j'accepte la proposition de la directrice. Le tout organisé, je me lève de mon siège et me dirige vers la porte de sortie lorsqu'elle me retient avec une phrase magique: ''Ahora que vas a dormir con ellos, hay unas cosas que tienes que saber'' (maintenant que tu dors avec eux, il y a certaines choses dont tu dois être mise au courant). Je vous épargnerai tous les détails de notre conversation, mais en gros, je devais être mise au courant des trois points suivants:

1- Sandy, une gamine de 13 ans, est précoce. Elle a 5 amoureux et les garçons de tout âge viennent cogner à sa fenêtre la nuit pour qu'elle les ''french''. Ma mission: veiller à ce que Sandy ne touche personne et qu'à ce qu'aucun bébé ne soit conçu sous les couvertures dans la nuit du 18 septembre 2010.

2- Jonathan a tendance a aller vers les hommes. Il faut le surveiller.

3- Les filles se masturbent. (Qui, j'ose demander pour être sûre de ne pas être réveiller par de drôles de bruits). Toutes, qu'elle me répond. (Pas en groupe, j'ose rétorquer). Oui, entre elles, qu'elle me répond. Bon...

D'accord. Je m'attends maintenant à assiter à une orgie infantile, à un échange de liquide.

Je suis prête à tout. C'est à peine si l'on ne s'amène pas des gants et des condoms au cas où ils n'y aurait vraiment aucun moyen de les arrêter. Rapellez-vous de vos 12 ans... Ça ne vous sonne aucune cloche ? À moi non plus. Mais il ne faut jamais prendre ce genre de Warning à la légère-

Trêve d'introduction. Ici commence la vraie pyjamada:

On arrive à l'Aldea à 8h30. La maison dans laquelle on va dormir est vide. On allume des chandelles et on va chercher les enfants. Chacun d'entre eux devait rédiger une histoire ou un conte pour pouvoir participer à l'activité. À ma grande surprise, ils avaient TOUS écris quelque chose. Certains, de lonnnngues histoires avec de beaux dessins. D'autres quelques phrases sur leur passé. L'un d'entre eux a écrit: '' Yo estaba viviendo con mi mama y mi hermano. Fuimos a caminar por la calle. La policia me llevó al Aldea. Fin'' (Je vivais avec ma mère et mon frère. On est allé se promener dans la rue. La police m'a amené à l'Aldea). Toute qu'une biographie !J'imagine qu'il avait la bonne intention d'épargner les détails.


Tout ça pour dire que chaque enfant, après avoir donné son conte, devait se rendre dans la maison dans le silence le plus complet et dire le mot de passe, luna llena, pour pouvoir entrer et prendre place sur un des matelas que nous avions mis à leur disposition. Cette nuit là s'est produit un miracle: ils ont compris la signification du mot silence. Nous avons fait un discours de Bienvenue en mettant l'emphase sur le fait qu'on les sortait si ils nous dérangeaient juste un petit peu. Puis, nous avons raconté des histoires à la lueur d'une chandelle. Avec une cinquantaine d'enfants la bouche grande ouverte et les yeux illuminés, on se serait cru ailleurs. Bien sûr, nous avons terminé la session de contes avec des histoires d'horreur parsemée de sursauts. À la vue de leurs visages tout apeurés, nous avons bien profité de notre vengeance.

Nous nous sommes ensuite tous couchés sur les matelas et avons écouter Karaté Kid. Inutile de vous dire que le film a semé en eux la petite flamme du Kung-Fu et que nous avons eu de la chance qu'aucun d'entre eux n'ait reçu un coup de pied derrière la tête en sortant de la maison.

Nous avons raccompagné les plus petits chez eux ainsi que Fernando, 25 ans, trisomique, qui m'a fait vivre un joli quart d'heure en refusant de remonter ses bobettes après avoir fait caca dans l'herbe, près du mur qui sépare l'Aldea de la grand'rue.

Audrey est retournée chez Bernabé faire dodo et je suis restée en compagnie de ceux qui avaient plus de douze ans et de ceux qui ont bien voulu me faire croire qu'ils avaient plus de douze ans. Quelle expérience incroyable. 32 personnes, 8 matelas, trop peu de couvertures et encore moins d'espace. Nous avons tous dormi les uns par dessus les autres, les uns à côtés des autres, sans se demander le pied de qui nous rentrait dans le ventre ou la main de qui nous flattait les cheveux.


Ce fut une nuit sans vigileant, sans directrice, sans tias. Que les enfants et moi. Durant toute la nuit, je n'ai eu qu'à faire deux interventions. D'abord lorsque Angel ne voulait pas dormir et qu'il restait debout alors que tout le monde était couché. C'était pour trouver de la compagnie féminine lorsque j'aurais eu les yeux fermés, dit-on. '' Angel, tu veux de la compagnie féminine? Je vais t'arranger ça ! Viens dormir avec moi sur mon matelas. On va partager mon sleeping bag!'' Je peux vous dire qu'il s'est couché en deux temps trois mouvements et que je n'en ai jamais entendu parler. Le lendemain matin, après avoir dormi 2 heures à peine, aucun d'entre eux ne voulait se lever. '' Le dernier dehors passe le balais''. Dix minutes après, tout était en ordre. Quelques gentilles jeunes dames sont même venues m'aider à nettoyer la maison. Ce fut vraiment une expérience géniale. Eux que j'aurais parfois envie de frapper, j'avais l'impression d'être leur maman, d'en être responsable. Je me suis même surprise à ressentir des émotions en les regardant (et en les entendant) dormir, paisiblement sur le sol gelé.


Et l'orgie dans tout ça, vous me direz ? S'il y eut orgie, je devais être trop occupée à jouir du fait que pour une fois je ne me sois doutée de rien !

2 commentaires:

  1. Ce sont de bien belles aventures que vous faites vivre à ces enfants. Même si je suis un peu mêlé dans les récits (un jour, vous les amenez au cinéma : ils n'ont jamais vu un film, et l'autre jour, vous présentez un film à tout le monde avant de s'endormir) et dans les modes de vie (vivent-ils à l'aldea (l'orphelinat) ou dans leur maison?), j'apprécie beaucoup le récit de vos relations avec eux. Comme tu l'écrivais l'autre jour, il sera difficile de se séparer d'eux...

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  2. Guy, pour répondre à ta question, ils ne sont jamais allé voir un film au CINÉMA, mais ont déjà vu des films à la télévision. Nous les avons emmenés au Cinéma pour la première fois, mais avons écouté un film avec eux à l'Aldea par après. Aussi, l'Aldea est bel et bien l'orphelinat. Toutefois, Aldea signifie ''petit village'', si bien que dans l'Aldea, il y a pleins de maisons (une dizaines) dans lesquelles vivent les enfants. Les maisons sont choisies pour eux et ils sont environ une dizaine d'enfants par maison. Il y a aussi la maison ''Manos Libres'', où personne ne vit et où on a fait la Pyjamada. Voilà, j'espère que tu es moins confu !

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