samedi 18 septembre 2010

Une grande première au Cinéma

La grande première au Cinéma dont je m'apprête à vous faire le récit ne vaut certes pas des milliers de dollars, quelques dizaines de soles au plus, mais a certainement plus de valeur aux yeux de quelques enfants que le budget ''d'Avatar'' ou celui du ''Seigneur des anneaux''.
Comme on dit, plus ça change, plus c'est pareil: à Huancayo comme à Montréal, les mardis au cinéma coûtent pas mal moins cher. Pourquoi ne pas profiter de l'occasion pour initier quelques petits de l'orphelinat aux joies du Grand Écran.
Processus de sélection très sérieux: choisir parmi les 64 enfants ceux qui méritent qu'on les sorte. Ceci implique entre autre un comportement exemplaire dans leur maison, une participation sérieuse aux activités que l'on propose (voilà un critère bien difficile à respecter) et une attitude agréable avec tout le monde à l'Aldea. Bien entendu, le respect de ces quelques critères pourtant bien simples facilite notre choix, quoique ça reste tout de même un casse-tête de n'en choisir que 10.
Notre choix s'arrête donc sur Jordin, Erik, Patricia, Soledad, Angel, Doris, Karen, Sandy, Naily, Jacqueline et Thalia. Bien fièrs de la sélection, je présente au directeur la liste des noms pour accéder au document qui nous permettrait de les sortir de leur enclos. À la prononciation des premiers noms, Monsieur le directeur s'empresse de rayer Jordin, Angel, Karen, Naily et Sandy de la liste. Si le premier sèche les cours, l'autre est entré par la fenêtre et a fait un grand trou dans le mur...
Visiblement, nos critères étaient trop peu sévères. Ainsi, nous avons choisi Gustavo, Gilver et Johanna pour nous accompagner à la grande cinquième du nouveau film de Jackie Chan: Mi vecino es un espia. (Mon voisin est un espion).
À 7H00 donc, nous sortons chaque enfant de sa maison respective, au grand damn des autres enfants qui nous haissent le temps d'une soirée ou deux, et nous nous entassons dans un combi, direction Cineplanet (décidemment, on n'innove nulle part en matière de noms de cinoche)!
Si la plupart des enfants avaient peur des escaliers roulants (choc culturel: tenir la main d'une fille de 15 ans pour embarquer sur la marche. C'est bien la preuve qu'il faudrait les sortir plus souvent), les passants du centre-d'achat se demandent vraiment ce que 10 enfants bronzés peuvent bien faire avec trois Gringos pas bronzés(Audrey, Benny et moi). Ils hésitaient probablement entre l'oeuvre de charité et le kidnapping... Un mélange des deux serait sûrement plus approprié.
On entre avec nos douzes billets de cinéma dans la salle et on s'assoit tout en haut. Ils sont tous callés dans leur siège. La plupart d'entre eux viennent au cinéma pour la première fois - d'où la grande première- et sont complètement absorbés par les annonces. J'aurais bien aimé leur spécifier que le film n'était pas commencé, mais ils avaient l'air tellement impressionné que j'ai préféré de pas gâcher l'illusion.
Le film commence. C'est l'histoire d'un voisin (Jackie) qui tombe en amour avec sa voisine. Les enfants de sa voisine le détestent, jusqu'à ce qu'ils réalisent que Jackie est en fait un espion. Les expressions faciales des enfants valent milles piastres: Johanna rit à en avoir des crampes à n'importe quel moment, Gustavo a l'air traumatisé et Thalia est tellement énervée qu'elle se met à saigner du nez. Drôle de moment lorsque Audrey descend avec elle au toilette et que l'équipe d'urgence du ciné (??) se jette sur elle pour la soigner. Thalia qui ne veut pas manquer une seconde du film s'empresse de se défaire de ses sauveurs pour regagner son siège, et ce malgré le torrent rougeâtre qui sort de ses narines.
Le récit est comique, les enfants s'y plaisent. Et voici le moment émotif du film qui déclenche des petites émotions...
Vous savez, la vie fait parfois bien les choses. Cette fois-ci, un dieu quelconque devrait être avec nous, car on ne se serait jamais douté qu'un message aussi fort puisse être partagé dans un film d'espion. Je vous décris la scène.
Jackie Chan (le beau-père) parle avec l'ainée de la famille. Celle-ci lui avoue que sa mère est décédée et que son père ne s'occupe plus d'elle. C'est pour cette raison qu'elle vit avec sa belle-mère. Ce secret qu'elle gardait depuis le début du film semble être important pour elle et touche les cordes sensibles des enfants, qui se reconnaissent à travers le personnage. Jusque là, on trouve ça ben cute. Mais voici que Jackie Chan lui fait le discours suivant:
''Yo tampoco, no tengo padres. Crezí en un orfanato y nunca conocí a mi mama y a mi papa. Pero aprendí que la familia no es una cosa de sangre, sino de los que te aman y de los que tu amas.''
''Moi non plus je n'ai jamais eu de parents. J'ai grandi dans un orphelinat et je n'ai connu ni ma mère, ni mon père. Mais j'ai appris que la famille ne se définit pas par les liens de sang. La famille, ce sont ceux qui t'aiment et ceux que tu aimes.''
Oufff, on retient notre souffle. Je regarde à ma gauche. De grosses larmes coulent sur les joues de Jackie. Elle pleure pour vrai. De la vraie peine. Je lui prend la main et lui caresse les cheveux, ne sachant pas trop quoi faire d'autre. Elle esquisse un petit sourire timide. Je regarde à ma droite, Gustavo a lui aussi les yeux pleins d'eau.
J'ai alors une grande bouffée d'amour pour Jackie Chan. Ses paroles n'ont sûrement jamais eu autant de sens. Son message n'a sûrement jamais été aussi pertinent, aussi fort, aussi lourd en émotions.
On sort du cinéma, ne sachant pas trop si leurs yeux sont aussi petits à cause des larmes ou parce qu'ils ont dormi. On préfère croire que le message a eu son effet.
L'espace d'un moment, le spectacle n'était pas sur l'écran, mais plutôt dans la salle. Et c'est pour cela qu l'on peut parler d'une Grande première au Cinéma.

3 commentaires:

  1. Oh! Moi aussi j'ai les yeux plein d'eau maintenant! Je vous laisse deviner si c'est la morale de Jackie Chan qui me fait cette effet ou l'histoire de 3 gringas qui prennnent l'initiative d'amener des orphelins au cinéma.

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  2. Moi en tout cas c'est la première fois que je suis ému grâce à Jackie Chan.
    Est-ce que c'est normal que plus je lis votre blogue, plus je me sens "cheap"? Voyons voir, c'est quoi la dernière bonne action que j'ai fait? Ah! L'autre jour à l'épicerie un enfant a échappé son chapeau. Je l'ai ramassé pour lui donner. Est-ce qu'il y a quelqu'un d'ému? Zut, de zut! Je veux pas nécessairement être béatifié moi aussi mais je détesterais pas aller au paradis. Au rythme où vous allez les filles, d'ici quelques jours vous aurez déjà accumulé beaucoup plus d'indulgence que ce dont vous avez besoin pour éviter le purgatoire. Pensez-vous que vous pourriez m'en vendre un peu?

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  3. Je savais bien que Jackie Chan était formidable! Bravo pour ce beau message reçu par vos protégés!

    Bisous

    Claude

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