lundi 9 août 2010

La bactérie mangeuse de chair

Après avoir vécu pieds nus comme mon idole Pocahontas, tant sur la côte que dans la jungle, force est d'admettre que celle-ci est l'héroine d'un film et que moi, je ne suis malheureusement pas à l'épreuve de tout. Ce tunnel qui de jour en jour se faufile et se creuse dans mon pied en témoigne. Karine, une infirmière en voie de faire le tour du monde a confirmé mon hypothèse: j'ai la bactérie mangeuse de chair!
Depuis, la rumeur court comme quoi le parasite ponderait ses oeufs dans mon pied et creuserait un tunnel pour ultimement atteindre mon ongle. J'ai pris l'habitude d'observer chaque matin les 2 millimètres de longitude que le parasite en question s'était approprié.
Ne sachant pas trop quoi faire, ces lésions et ces circuits boursoufflés me laissent béate. Je suis sans défense devant le pouvoir infini de cette bactérie qui bientôt, se logera dans mon ongle pour mieux préparer la conquête de ma jambe. J'ai longuement songé à lutter contre la force naturelle des choses: j'ai considéré la chirurgie, les médicaments ultra-puissants et surtout l'amputation, alternative qui me permettrait alors de gagner ma vie en faisant des conférences sur mon expérience. J'ai finalement opté pour aller à l'hôpital de Cajamarca, au Pérou. Devant l'obligation de prendre un ticket qui me permettrait alors de passer après les gangrénés, les paraplégiques et les sidéens, je panique. À ce rythme, le parasite pourrait atteindre mon cerveau. Le résultat serait alors désastreux puisque la trop grande quantité ingurgitée de Caracha (Voir entrée la Chochotte est un Non-Shuar) m'a déjà brûlé plusieurs cellules. La docteure à la vue de mon handicap me fait des yeux graves et prend sa calligraphie de professionnelle de la santé (c'est partout pareil) pour m'indiquer la clinique privée la plus efficace.
50 soles plus tard, j'ai suis assistée par une infirmière. C'est du sérieux. Elle me pèse, me mesure, prend ma pression, mon rythme cardiaque et ma température. Dans sa hâte ou dans sa panique à la simple vue de mon dossier, elle oublie même de regarder mon pied...
La pression se fait insoutenable lorsqu'elle me dit de revenir à 6hrs pour voir le chirurgien. En après-midi, je prends le temps de faire mes adieux à mon orteil et je l'amène visiter quelques sites historiques. J'imagine mes doigts de pieds finir momifiés comme Atahualpa, ce dieu inca si légendaire...Après tout, ce serait une belle fin.
5:15 - Maman Audrey m'emmène prendre une glace pour détendre l'atmosphère.
5:30- Je me dis qu'en revenant de la clinique je ne pourrai plus marcher sur mon pied. Je cherche à travers les vitrines les béquilles toutes désignées pour ma silhouette.
6:00-Nous arrivons à la clinique et le personnel infirmier s'exécute pour que je passe rapidemment à la salle d'opération.

Le chirurgien arrive.
Il a le regard sévère.

Il observe mes tunnels cutanés avec une attention toute particulière. L'heure est grave. Il accourt à la pharmacie pour s'outiller d'un bâton de bois avec lequel il fait danser mes orteils de gauche à droite. Ce serait fatal que d'y toucher avec ses mains. Il s'impatiente lorsque j'ai peine à comprendre les différents types de douleurs qu'il essaie d'associer à la mienne. Je choisis de mimer quelqu'un qui se gratte à mort et je rejette l'option de l'abeille qui pique sa victime. Il me demande si je suis allée en Afrique. Je refuse de lui raconter mon voyage en Tunisie vu mon état d'urgence et je m'empresse de remettre mes chaussettes lorsqu'il me demande très sérieusement de passer à son bureau.

Ses traits se durcissent et son regard est lourd lorsqu'il me tend un papier qui semble trop officiel. J'ai des sueurs froides et je crains le pire. Le scalpel aussi. J'ose à peine lire le verdict sur le petit papier vert hôpital. L'adresse d'un amputeur ? Le prix d'une anesthésie complète ? Les effets secondaires d'une opération à pied ouvert ?

...Et non ! La prescription d'une petite crème et d'une pillule anti-allergène !

62 soles. Failed.

Marianne, de sa chair mangée.

6 commentaires:

  1. Euh...! Tout un thriller! J'étais vraiment embarqué dans l'histoire. Elle se termine toutefois de façon ambiguë. Est-ce qu'il peut y avoir une suite ou une annexe pour nous rassurer sur la réelle gravité de la chose et sur l'efficacité de la crème? Y'a des parents qui doivent s'inquiéter là, là.

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  2. Chère Marianne,

    René et moi sommes encore sous l'effet du choc émotif que nous avons vécu en te lisant! Tu es une merveilleuse conteuse et nous avons suivi avec angoisse tes propres angoisses. Nous sommes enfin soulagés de cette conclusion moins catastrophique, mais nous aimerions être tenus au courant de la guérison de ton orteil!!! Et bonne suite du voyage!

    Nous t'embrassons

    Claude et René

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  3. Ma belle enfant,

    J'ai eu la frousse en te lisant. Une chance que j'ai pris le temps de te lire jusqu'au bout parce que me connaissant j'aurais téléphoner partout pour avoir d'autres nouvelles. Je suis soulagée de te savoir entre bonnes mains et que finalement ton orteil se porte bien malgré sa mésaventure. Est-ce que la petite crème et la pilule font effet?

    Bisous,

    Francine xxxxxx

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  4. Je viens de lire ce récit palpitant moi aussi, mais je dois être moins brillant que les autres, car je ne réussis pas à comprendre la dernière phrase : 62 soles. Failed.

    Doit-on comprendre que, malgré une dépense de 62 soles, ça n'a donné aucun résultat? Éclaire-nous, de grâce : toute l'Amérique du Nord attend ta réponse!

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  5. HEh ma fille! je me suis bien bidonnée en lisant ce récit! Comme tu écris bien!
    Veux-tu que je contacte une maison d'édition pour tes future chroniques...elles sont aussi captivantes que celles de BrunoB.
    Heureusement que papa m'avait préparée!

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  6. Tu écris bien effectivement. Prends soin de toi.

    Cyn

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