dimanche 21 novembre 2010

Crise de nerfs numéro 1

Ca leur aura pris 4 jours pour me faire pleurer. Quatre jours pour que je me convainque qu’il est tres peu sain pour ma santé mentale et émotionnelle d’organiser pour eux des activités chaque jour. Normalement, il ne se passe rien le Samedi a l’Aldea. Hier, Jordin m’avait confié qu’ils s’emmerdaient a force de toujours faire la meme chose. J’ai donc voulu changer un peu la routine en organisant, toute seule, une chasse aux trésors pour tous les enfants de l’Aldea. Pour les 75 enfants de l’Aldea. Je me rends au centre d’achat pour me procurer quelques sucreries que je cacherais au meme endroit que les índices, dispersés un peu partout sur le terrain. J’en profite pour acheter un ballon de Futbol que je donnerais aux participants. Le jour d’avant, ils s’étaient presque battus pour utiliser le ballon d’un petit qui ne voulait pas le preter. L’idée du ballon de Fut me paraissait alors tres d’actualité. Ca m’a couté 20 soles. J’arrive a l’Aldea puis je prends environ deux heures pour cacher les índices, les bonbons et le trésor, pour leur expliquer maison par maison le fonctionement du jeu. A peine aie-je le dos tourné que je vois 2 jeunes en train de sortir les índices, prenant le soin de manger tous les bonbons et de remettre le tout au mauvais endroit. Ca, je m’y attendais. Je me contente d’un ‘’Si t’es pas pour jouer comme les autres, ben mieux pas jouer pantoute!’’ Ce fut assez pour les faire taire et pour qu’ils recrachent les surcreries.


Apres 3 ans á me battre pour que les Tias les laissent sortir, le jeu commence. Comme de fait, ils ne jouent pas en équipe, ne font rien dans l’ordre, se poussent, se chamaillent, s’engueulent et trichent. Ca aussi, je m’y attendais. Alors que l’orage se rapproche et que s’accumulent les emballages de bonbons sur le sol, 2 équipes m’arrivent en meme temps, leurs índices en main. Ils se jettent sur moi et se poussent pour etre les premiers et espérer gagner le trésor en question. Premiere équipe, la Casa A: les grands ados, orgueilleux, chiants. Mes préférés. En secret, bien sur. Deuxiéme équipe, la Casa B et C: beaucoup plus petits. Je révise d’abord les réponse de la A, de peur qu’ils me renient tout le reste de leur existence. Il leur manquait un índice, tandis que l’équipe B-C avait tout complété correctement. Je les félicite. Apparament, je n’aurais pas du, parce que les garcons de la A se mettent a me crier derriere la tete et a me lancer des regards assasins. Je m’essaye avec un ‘’de toute facón, le prix c’est pour tout le monde’’. Puis, je sors le ballon que je lance dans les airs. Ce n’était visiblement pas assez pour me faire pardonner. Ils ont pris le ballon, toujours prets a me tuer pour ne pas les avoir fait gagner et sont partis, sans meme un merci. Ni un. Tous étaient la a se chicaner comme des barbares pour avoir le foutu ballon. Comme si ils n’avaient pris aucun plaisir au jeu lui-meme, comme si ils n’avaient joué que pour le maudit prix. Tous étaient la a me gueuler apres qui aurait du gagner, qui n’aurait pas du. Comme si je n’avais pas passé 5 heures a tout préparer, comme si je n’avais pas fait ca pour eux. Comme si, au bout du compte, c’était juste pour les faire suer. Et bien la, c’est moi qu’ils ont fait suer. Ils continuaient a se chicaner. Jordin m’a envoyé un regard choqué. Un regard qui ne pardonne pas. Il releve le mentón l’air de dire: c’est quoi ton problema. Je n’en crois pas mes yeux et je sens alors des petites émotions monter dans ma gorge. Je tourne les talons, passe la porte. Personne ne me salue.


J’attends l’autobus de l’autre coté de la rue, bien déterminée á ne revenir que 3 jours plus tard pour qu’ils comprennent á quel point parfois (souvent), ils font chier. Je me sens comme une vieille chaussette aux objets perdus. Exactement comme une vieille chaussette aux objets perdus. Je suis restée plantée la trois minutes. ‘’Fais pas ta chochotte Marianne Beaupré LaPerriere’’. Je ne sais pas si c’était la voix de ma mére, celle d’un passant ou la mienne, mais j’ai retraversé la rue, passé la porte et me suis dirigée tout droit vers le terrain de Futbol, ou 4 des ados jouaient seuls, ayant précedemment refusé de partager le ballon avec les plus petits. ‘’Donne moi le ballon’’. Á entendre mon ton et á voir mes yeux rouges, ils m’ont donné le ballon sans se faire prier.


Si j’avais été une poufiasse baveuse, fiere-pet et casse-pied, j’aurais avancé vers la poubelle et j’y aurais simplement déposé le maudit ballon. Je serais ensuite sortie en criant: In your face. J’ai fait quelque pas dans cette direction puis me suis ravisée. Comme je ne suis pas une poufiasse baveuse, fiere-pet et casse-pied, j’ai donné le ballon á la directrice en disant aux enfants: ‘’Vous vous en servirez lorsque vous aurez appris á partager’’. J’ai intitulé ce momento lá de ma vie ‘’Se faire des ennemis’’.


Ils ne m’ont crié aucune insanté. Pire, ils ont passé leur chemin sans dire un mot. Ils se sont mis á m’ignorer, á s’enfuir lorsque j’essayais de les approcher. Meme Jerson, le plus gentil des enfants, changeait de direction lorsque je l’approchais. Lorsque j’arrive finalement á lui adresser la parole, il me dit: ‘’Jordin ne veut plus te parler, ni aujourd’hui, ni demain’’.


Oui je sais, ce ne sont que des enfants. Oui oui, je sais, il faut pas s’en faire. Je sais tout ca, mais je me met quand meme á pleurer, naturellement. Je pleure beaucoup parce que vous pouvez pas savoir a quel point c’est le pire des supplices que d’etre ignorée par des enfants pour qui tu fais de ton mieux. Pour qui tu t’endettes de 700 piastres. Je pleure de rage lorsqu’une des Tias me surprend entre 2 sanglots et trouve que je fais pas mal trop pitié. La Tia veut me consoler et elle sait comment. ‘’Les enfants ne se rendent compte de rien. Ils sont habitués a recevoir. Ils ne donnent pas’’. ‘’Laisse les faire, ils vont se rendre compte eux-meme qu’ils ont tort’’.’’Moi aussi, ca m’arrive de pleurer quand ils sont méchants, comme si je ne faisais rien pour eux’’. ‘’Il faut etre forte Mariana, il faut etre plus forte qu’eux’’. Elle avait totalement raison. Elle a meme ajouté: ‘’Tu sais, pleurer ca te donne encore plus de valeur’’. De sa part, ca a fait du bien. C’est a ce momento que 4 adolescents se sont rendu compte de mon pitoyable état. Ils se sont assis pres de moi pour me consoler, ont essuyé mes larmes avec du papier de toilette. Quatre enfants, dont Jerson de la casa A qui a un trop grand coeur pour se laisser influencer par ses crétins d’amis. Il s’est empressé d’aller chercher Jordin, dans l’espoir qu’il m’explique c’était quoi son probléme. Apparament, il n’y en avait pas. Comme quoi l’orgueil fait des miracles.


Avec tous ces morveux autour de moi, cette fois je me sentais comme une vieille chaussette qu’on avait sortie des objets perdus. Certes, hors des objets perdus, mais quand meme une vieille chaussette. Avant de partir, la Tia s’est approchée de moi et m’a répété á l’oreille: ‘’Sois forte, sois plus forte qu’eux.’’ Moi qui pleurait encore, je n’ai su que lui répondre: ‘’Pleurer ne m’empeche pas d’etre forte’’. Elle m’a sourit. Les enfants aussi. Ca m’a consolé.

5 commentaires:

  1. LA TIA AVAIT BIEN RAISON ! ON APPREND TOUJOURS DE NOS ÉPREUVES ! TU VOIS, ILS ONT QUAND MÊME BON COEUR, TES PETITS ! Tu es bien courageuse et tu en seras récompensée, tôt ou tard. Ne te décourage pas! René.

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  2. Oh so long Marianne, tu écris: "Comme si ils n’avaient pris aucun plaisir au jeu lui-meme, comme si ils n’avaient joué que pour le maudit prix. Comme si je n’avais pas passé 5 heures a tout préparer, comme si je n’avais pas fait ca pour eux. Comme si, au bout du compte, c’était juste pour les faire suer."

    Ne voulais-tu pas dire: comme s'ils n'avaient jamais été aimés par des parents, comme s'ils avaient été abandonnés toute leur vie, comme s'ils vivaient en prison, comme s'ils n'avaient jamais appris à partager et à remercier grâce à des émissions éducatives, des animateurs de terrains de jeu, des enseignants attentionnés, des amis bien élevés, des adultes aimants.

    Oh so long Marianne. Pas facile de transposer des jeux dans un univers où les codes sont si différents des tiens. Malgré tout je trouve que tu t'en sors bien. Et si je doute qu'après un mois avec toi ils se soient tous transformés en petits gars bien élevés, je suis convaincu que tu auras réussi à rapprocher un peu deux univers bien éloignés. Lâche pas Marianne!

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  3. Je suis à l`école...il est midi...à quelques jours de la retraite. Une matinée difficile
    avec tous ces enfants québécois gâtés...
    et ton courage m'inspire ma belle !
    Le Padre de Mariana

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